Secours de français

Explication de texte

Voyage au centre de la Terre - Jules Verne

Extrait n°8, chapitre 39 : Le berger

Explication précédente

        Soudain, je m’arrêtai. De la main, je retins mon oncle.
        La lumière diffuse permettait d’apercevoir les moindres objets dans la profondeur des 
    taillis. J’avais cru voir… Non ! réellement, de mes yeux, je voyais des formes immenses 
    s’agiter sous les arbres ! En effet, c’étaient des animaux gigantesques, tout un trou-
5   peau de mastodontes, non plus fossiles, mais vivants, et semblables à ceux dont les 
    restes furent découverts en 1801 dans les marais de l’Ohio ! J’apercevais ces grands 
    éléphants dont les trompes grouillaient sous les arbres comme une légion de serpents. 
    J’entendais le bruit de leurs longues défenses dont l’ivoire taraudait les vieux troncs. 
    Les branches craquaient, et les feuilles arrachées par masses considérables s’engouf-
    fraient dans la vaste gueule de ces monstres.
10      Ce rêve où j’avais vu renaître tout ce monde des temps anté-historiques, des époques 
    ternaire et quaternaire, se réalisait donc enfin ! Et nous étions là, seuls, dans les 
    entrailles du globe, à la merci de ses farouches habitants !
        Mon oncle regardait.    
    « Allons, dit-il tout d’un coup en me saisissant le bras, en avant, en avant !    
15  — Non ! m’écriai-je, non ! Nous sommes sans armes ! Que ferions-nous au milieu de ce 
    troupeau de quadrupèdes géants ? Venez, mon oncle, venez ! Nulle créature humaine ne 
    peut braver impunément la colère de ces monstres.   
    — Nulle créature humaine ! répondit mon oncle, en baissant la voix ! Tu te trompes, 
    Axel ! Regarde, regarde, là-bas ! Il me semble que j’aperçois un être vivant ! un 
20  être semblable à nous ! un homme ! »
        Je regardai, haussant les épaules, et décidé à pousser l’incrédulité jusqu’à ses 
    dernières limites. Mais, quoique j’en eus, il fallut bien me rendre à l’évidence.    
    En effet, à moins d’un quart de mille, appuyé au tronc d’un kauris énorme, un être 
    humain, un Protée de ces contrées souterraines, un nouveau fils de Neptune, gardait 
25  cet innombrable troupeau de mastodonte !      
                        Immanis pecoris custos, immanior ipse !    
    Oui ! immanior ipse ! Ce n’était plus l’être fossile dont nous avions relevé le 
    cadavre dans l’ossuaire, c’était un géant, capable de commander à ces monstres. 
    Sa taille dépassait douze pieds. Sa tête, grosse comme la tête d’un buffle, dis-
30  paraissait dans les broussailles d’une chevelure inculte. On eût dit une véritable 
    crinière, semblable à celle de l’éléphant des premiers âges. Il brandissait de la 
    main une branche énorme, digne houlette de ce berger antédiluvien.    
        Nous étions restés immobiles, stupéfaits. Mais nous pouvions être aperçus. Il 
    fallait fuir.    
35      « Venez, venez ! » m’écriai-je, en entraînant mon oncle, qui pour la première fois 
    se laissa faire !    
        Un quart d’heure plus tard, nous étions hors de la vue de ce redoutable ennemi.
    Et maintenant que j’y songe tranquillement, maintenant que le calme s’est refait 
    dans mon esprit, que des mois se sont écoulés depuis cette étrange et surnaturelle 
40  rencontre, que penser, que croire ? Non ! c’est impossible ! Nos sens ont été abusés, 
    nos yeux n’ont pas vu ce qu’ils voyaient ! Nulle créature humaine n’existe dans ce 
    monde subterrestre ! Nulle génération d’hommes n’habite ces cavernes inférieures du 
    globe, sans se soucier des habitants de sa surface, sans communication avec eux ! 
        C’est insensé, profondément insensé !    
45      J’aime mieux admettre l’existence de quelque animal dont la structure se rapproche 
    de la structure humaine, de quelque singe des premières époques géologiques, de 
    quelque protopithèque, de quelque mésopithèque semblable à celui que découvrit M. 
    Lartet dans le gîte ossifère de Sansan ! Mais celui-ci dépassait par sa taille toutes 
    les mesures données par la paléontologie moderne ! N’importe ! Un singe, oui, un 
50  singe, si invraisemblable qu’il soit ! Mais un homme, un homme vivant, et avec lui 
    toute une génération enfouie dans les entrailles de la terre ! Jamais !    
        Cependant, nous avions quitté la forêt claire et lumineuse, muets d’étonnement, 
    accablés sous une stupéfaction qui touchait à l’abrutissement. Nous courions malgré 
    nous. C’était une vraie fuite, semblable à ces entraînements effroyables que l’on 
55  subit dans certains cauchemars. Instinctivement, nous revenions vers la mer 
    Lidenbrock, et je ne sais dans quelles divagations mon esprit se fût emporté, 
    sans une préoccupation qui me ramena à des observations plus pratiques.
    

La situation d'énonciation

Le vocabulaire et les champs lexicaux

Les figures de style

Les idées

La tonalité

L'intention de l'auteur


Explication suivante

Retour à la liste des explications

Retour au sommaire

©Jean-Marie PETIT - HomeSweetHome - 05/2022