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Explication de texte

Voyage au centre de la Terre - Jules Verne

Extrait n°6, chapitre 30 : La forêt

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        Toutes ces merveilles, je les contemplais en silence. Les paroles me manquaient pour 
    rendre mes sensations. Je croyais assister, dans quelque planète lointaine, Uranus ou 
    Neptune, à des phénomènes dont ma nature « terrestrielle » n’avait pas conscience. À des 
    sensations nouvelles, il fallait des mots nouveaux, et mon imagination ne me les fournis-
5   sait pas. Je regardais, je pensais, j’admirais avec une stupéfaction mêlée d’une certaine 
    quantité d’effroi.
        L’imprévu de ce spectacle avait rappelé sur mon visage les couleurs de la santé ; 
    j’étais en train de me traiter par l’étonnement et d’opérer ma guérison au moyen de cette 
    nouvelle thérapeutique ; d’ailleurs, la vivacité d’un air très dense me ranimait, en four-
10  nissant plus d’oxygène à mes poumons.
        On concevra sans peine qu’après un emprisonnement de quarante-sept jours dans une étroi-
    te galerie, c’était une jouissance infinie que d’aspirer cette brise chargée d’humides 
    émanations salines. Aussi n’eus-je point à me repentir d’avoir quitté ma grotte obscure. 
    Mon oncle, déjà fait à ces merveilles, ne s’étonnait plus.
15  « Te sens-tu la force de te promener un peu ? me demanda-t-il.
    — Oui, certes, répondis-je, et rien ne me sera plus agréable.
    — Eh bien, prends mon bras, Axel, et suivons les sinuosités du rivage. »
    J’acceptai avec empressement, et nous commençâmes à côtoyer cet océan nouveau. Sur la 
    gauche, des rochers abrupts, grimpés les uns sur les autres, formaient un entassement 
20  titanesque d’un prodigieux effet. Sur leurs flancs se déroulaient d’innombrables cascades, 
    qui s’en allaient en nappes limpides et retentissantes. Quelques légères vapeurs, sautant 
    d’un roc à l’autre, marquaient la place des sources chaudes, et des ruisseaux coulaient 
    doucement vers le bassin commun, en cherchant dans les pentes l’occasion de murmurer plus 
    agréablement.
25  Parmi ces ruisseaux je reconnus notre fidèle compagnon de route, le Hans-bach, qui venait 
    se perdre tranquillement dans la mer, comme s’il n’eût jamais fait autre chose depuis le 
    commencement du monde.
    « Il nous manquera désormais, dis-je avec un soupir.
    — Bah ! répondit le professeur, lui ou un autre, qu’importe ! »
30  Je trouvai la réponse un peu ingrate.
    Mais en ce moment mon attention fut attirée par un spectacle inattendu. À cinq cents pas, 
    au détour d’un haut promontoire, une forêt haute, touffue, épaisse, apparut à nos yeux. 
    Elle était faite d’arbres de moyenne grandeur, taillés en parasols réguliers, à contours 
    nets et géométriques ; les courants de l’atmosphère ne semblaient pas avoir prise sur leur
35  feuillage, et, au milieu des souffles, ils demeuraient immobiles comme un massif de cèdres 
    pétrifiés.
    Je hâtais le pas. Je ne pouvais mettre un nom à ces essences singulières. Ne faisaient-
    elles point partie des deux cent mille espèces végétales connues jusqu’alors, et fallait-
    il leur accorder une place spéciale dans la flore des végétations lacustres ? Non. Quand 
40  nous arrivâmes sous leur ombrage, ma surprise ne fut plus que de l’admiration.
    En effet, je me trouvais en présence de produits de la terre, mais taillés sur un patron 
    gigantesque. Mon oncle les appela immédiatement de leur nom.
    « Ce n’est qu’une forêt de champignons, » dit-il.
    Et il ne se trompait pas. Que l’on juge du développement acquis par ces plantes chères 
45  aux milieux chauds et humides. Je savais que le « lycoperdon giganteum » atteint, suivant
    Bulliard, huit à neuf pieds de circonférence ; mais il s’agissait ici de champignons 
    blancs, hauts de trente à quarante pieds, avec une calotte d’un diamètre égal. Ils 
    étaient là par milliers. La lumière ne parvenait pas à percer leur épais ombrage, et une 
    obscurité complète régnait sous ces dômes juxtaposés comme les toits ronds d’une cité 
50  africaine.
        Cependant je voulus pénétrer plus avant. Un froid mortel descendait de ces voûtes 
    charnues. Pendant une demi-heure, nous errâmes dans ces humides ténèbres, et ce fut avec
    un véritable sentiment de bien-être que je retrouvai les bords de la mer.   
    

La situation d'énonciation

Le vocabulaire et les champs lexicaux

Les figures de style

Les idées

La tonalité

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©Jean-Marie PETIT - HomeSweetHome - 05/2022